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ARTICLE XI : La perfection évangélique de la vie évangélique est pratiquée en notre Eglise; en la prétendue Eglise, elle est méprisée et abolie.

L'Église qui est présente, suivant la voix de son Pasteur et Sauveur, et le chemin battu des devanciers, loue, approuve et prise beaucoup la résolution de ceux qui se rangent à la pratique des conseils évangéliques, desquels elle a un très grand nombre. Je ne doute point que si vous aviez hanté les congrégations des Chartreux, Camaldulenses, Célestins, Minimes, Capucins, Jésuites, Théatins et autres, en grand nombre desquelles fleurit la discipline religieuse, vous ne fussiez en doute si vous les devriez appeler anges terrestres ou hommes célestes, et ne sauriez quoi plus admirer, ou en une si grande jeunesse une si parfaite chasteté, ou parmi tant de doctrines une si profonde humilité, ou entre tant de diversités une si grande fraternité; et tous, comme célestes abeilles, ménagent en l'Église et y brassent le miel de l'Evangile avec le reste du christianisme, qui par prédications, qui par compositions, qui par leçons et disputes [réponses aux objections théologiques dont témoignent les célèbres " Questions disputées " de S. Thomas d'Aquin], qui par le soin des malades, qui par l'administration des Sacrements sous l'autorité des pasteurs. Qui obscurcira jamais la gloire de tant de religieux de tous Ordres et de tant de prêtres séculiers qui, laissant volontairement leur patrie, ou pour mieux dire leur propre monde, se sont exposés au vent et à la marée pour accoster les gens du Nouveau Monde, afin de les conduire à la vraie foi et les éclairer de la lumière évangélique ? Qui, sans autres appointements que ceux d'une vive confiance en la Providence de Dieu, sans autre attente de travaux, misère et martyre, sans autres prétentions que de l'honneur de Dieu et du salut des âmes, ont couru parmi les cannibales, Cnariens, nègres, Brésiliens, Moluchiens, Japonais et autres étrangères nations, et s'y sont confinés, se bannissant eux-mêmes de leur propre pays terrestre, afin que ces pauvres peuples ne fussent bannis du Paradis céleste. Je sais, quelques ministres y ont été, mais ils y sont allés avec appointements humains plutôt, lesquels quand ils leur ont failli, ils s'en sont revenus sans faire autre, parce qu'un singe est toujours singe; mais les nôtres y sont demeurés en perpétuelle continence, pour féconder l'Église de ces nouvelles plantes, en extrême pauvreté, pour enrichir ces peuples du trafic évangélique, et y sont morts en esclavage, pour mettre ce monde-là en liberté chrétienne. Que si, au lieu de faire votre profit de ces exemples et conforter vos cerveaux à la suavité d'un si saint parfum, vous tournez les yeux plutôt vers les lieux où la discipline monastique est du tout abolie, et n'y a plus rien d'entier que l'habit, vous me contraindrez de dire que vous cherchez les cloaques et voiries, non les jardins et vergers. Tous les bons catholiques regrettent le malheur de ces gens, et détestent  la négligence des pasteurs et l'ambition des aises de laides âmes, qui, voulant tout manier, disposer et gouverner, empêchent l'élection légitime et l'ordre de la discipline pour s'attribuer le bien temporel de l'Église. Que voulez-vous ? Le Maître y avait semé la bonne semence, mais l'ennemi y a sursemé la zizanie (Matthieu, 13, 24-25); cependant l'Église, au Concile de Trente, y avait mis bon ordre, mais il est méprisé par ceux qui devaient le mettre en exécution, et tant s'en faut que les docteurs catholiques consentent à ce malheur, qu'ils tiennent être grand péché d'entrer en ces monastères mais plutôt débordés. Judas n'empêcha point l'honneur de l'ordre apostolique, ni Lucifer de l'angélique, ni Nicolas du diaconat; mais ces abominables ne doivent empêcher le lustre de tant de dévots monastères que l'Église catholique a conservés, parmi toute la dissolution de notre siècle de fer, afin que pas une parole de son Epoux ne demeurât en vain, sans être pratiquée. Au contraire, Messieurs, votre église prétendue méprise et déteste tant qu'elle peut tout ceci; Calvin, au livre 4 de ses Institutions, ne vise qu'à l'abolissement de l'observation des conseils évangéliques. Au moins, ne m'en sauriez-vous montrer aucun essai ni bonne volonté parmi vous autres, ou jusqu'aux ministres chacun se marie, chacun trafique pour assembler des richesses, personne ne reconnaît autre supérieur que celui que la force lui fait avouer; signe évident que cette prétendue église n'est pas celle pour laquelle Notre Seigneur a prêché, et tracé le tableau de tant de beaux exemples : car, si chacun se marie, que deviendra l'avis de saint Paul, Bonum est homini mulierem non tangere (1 Corinthiens, 7, 1) ? Si chacun court après l'argent et après les possessions, à qui s'adressera la parole de Notre Seigneur, Nolite thesaurizare vobis thesauros in terra (Matthieu, 6, 19), et l'autre, Vade, vende omnia, da pauperibus (19, 21) ? Si chacun veut gouverner à son tour, où se trouvera la pratique de cette si solennelle sentence, Qui vult venire post me abneget semetipsum (Luc, 9, 23) ? Si donc votre église se met en comparaison avec la nôtre, la nôtre sera la vraie Epouse, qui pratique toutes les paroles de son Epoux, et ne laisse pas un talent de l'Ecriture inutile; la votre sera fausse, qui n'écoute pas la voix de l'Epoux, mais plutôt la méprise : car il n'est pas raisonnable que, pour tenir la vôtre en crédit, on rende vaine la moindre syllabe de l'Ecriture, laquelle, ne s'adressant qu'à la vraie Église, serait vaine et inutile si en la vraie Église on n'employait toutes ses pièces.

 

ARTICLE XII : DE L' UNIVERSALITÉ OU CATHOLICISME DE L'ÉGLISE, MARQUE TROISIÈME

Ce grand Père, Vincent de Lérins, en son très utile Mémorial, dit que sur tout on doit avoir soin de croire " ce qui a été cru partout " (toujours, de tous) [il manque une partie de l'article dans le manuscrit d'origine] comme les fourbisseurs et chaudronniers, car le reste du monde nous appelle catholiques; que si on y ajoute romains, ce n'est sinon pour instruire les peuples du siège de l'Evêque qui est Pasteur général et visible de l'Église, et déjà du temps de saint Ambroise (Vide lib. De excessu Sat., 47), ce n'était autre chose être romain plutôt de communion qu'être catholiques. Mais quant à votre église, on l'appelle partout huguenote, calviniste, zwinglienne, hérétique, prétendue, protestante, nouvelle ou sacramentaire; votre église n'était point devant ces noms, ni ces noms devant votre église, parce qu'ils lui sont propres : personne ne vous appelle catholiques, vous ne l'osez pas quasi faire vous-mêmes. Je sais bien que parmi vous vos églises s'appellent réformées, mais autant ont de droit sur ce nom les luthériens, ubiquitistes, anabaptistes, trinitaires et autres engeances de Luther, et ne le vous quitteront jamais. Le nom de religion est commun a l'église des juifs et des chrétiens, à l'ancienne Loi et à la nouvelle; le nom de catholique c'est le propre de l'Église de Notre Seigneur; le nom de réformée est un blasphème contre Notre Seigneur, qui a si bien formé et sanctifié son Église en son sang, qu'elle ne devait jamais subir autre forme que d'épouse toute belle (Cantiques, 4, 7), de colonne de fermeté et de vérité (1 Timothée, 3, 15). On peut réformer les peuples et particuliers, mais, non l'Église ni la Religion, car, si elle était Église et Religion elle était bien formée, la déformation s'appelle hérésie et irréligion; la teinture du sang de Notre Seigneur est trop vive et fine pour avoir besoin de nouvelles couleurs : votre église donc, s'appelant réformée, quitte sa part à la formation que le Sauveur y avait faite. Mais je ne puis vous dire que ce que vous disent de Bèze, Luther et Pierre Martyr en entendent : Pierre Martyr appelle les luthériens, luthériens, et dit que vous êtes frères avec eux, vous êtes donc luthériens; Luther vous appelle svermeriques et sacramentaires; de Bèze vous appelle luthériens, consubstantiateurs et chimiques, et néanmoins les met au nombre des églises réformées. Voilà donc les nouveaux noms que ces réformateurs avouent les uns pour les autres; votre église, donc, n'ayant pas seulement le nom de Catholique, vous ne pouvez dire en bonne conscience le Symbole des Apôtres, ou vous vous juges vous-mêmes, qui, confessant l'Église catholique et universelle, persistez en la vôtre qui ne l'est pas. Pour vrai, si saint Augustin vivait maintenant, il se tiendrait en Notre Église laquelle, de temps immémorable, est en possession du nom de Catholique.  

 

ARTICLE XIII : LA VRAIE ÉGLISE DOIT ÊTRE ANCIENNE

L'Église pour être catholique doit être universelle en temps, et pour être universelle en temps il faut qu'elle soit ancienne; l'ancienneté donc est une propriété de l'Église, et en comparaison des hérésies elle doit être plus ancienne et précédente, parce que, comme dit très bien Tertullien (Apologet., c. 43 ; Adv. Marc., l 4, c 5), la fausseté est une corruption de vérité, la vérité doit donc précéder. La bonne semence est semée devant l'ennemi, qui a sursemé la zizanie bien après (Matt., 13, 24-25); Moïse devant Abiron, Datan et Coré; les anges devant les diables; Lucifer fut debout au jour avant qu'il chut dans les ténèbres éternelles; la privation doit suivre la forme. Saint Jean dit des hérétiques : Ils sont sortis de nous (1 Jean 2, 19), ils étaient donc dedans avant que de sortir; la sortie, c'est l'hérésie, l'être dedans, la fidélité. L'Église donc précède l'hérésie : mais plutôt la robe de Notre Seigneur fut entière avant qu'on la divisât (Jean, 19, 23-24), et bien qu'Ismaël fut devant Isaac, cela ne veut dire que la fausseté soit devant la vérité, mais l'ombre véritable du Judaïsme devant le corps du Christianisme, comme dit saint Paul (Hébreux, 10, 1).  

 

ARTICLE XIV : L'ÉGLISE CATHOLIQUE EST TRÈS ANCIENNE, LA PRÉTENDUE TOUTE NOUVELLE

Dites-nous maintenant, je vous prie, notez le temps et le lieu où premièrement Notre Église comparut dès l'Evangile, l'auteur et le docteur qui la convoqua : j'userai des mêmes paroles d'un Docteur et Martyr de Notre âge, dignes d'être bien pesées (Bx Edm. Campion, Decem Rationes, 7, Historia). " Vous nous confessez, et n'oseriez faire autrement, que pour un temps l'Église romaine fut sainte, catholique, apostolique : lorsqu'elle mérita ces saintes louanges de l'Apôtre : "Votre foi est annoncée par tout le monde" (Romains, 1, 8); " Je fais sans cesse mémoire de vous " (verset 9); " Je sais que, venant à vous, j'y viendrai en abondance de la bénédiction de Jésus-Christ " (15, 29); " Toutes les églises en Jésus-Christ vous saluent " (16, 16); car votre obéissance a été divulguée par tout le monde; lorsque saint Paul, en une prison libre, y semait l'Evangile (Act.,, ult., 30, 31 ; 2 Timothée, 2 : 9); lorsqu'en celle-ci saint Pierre gouvernait l'Église ramassée en Babylone (1 Pierre, 5, 13); lorsque Clément, si fort loué par l'Apôtre (Philippiens, 4 : 3), y était assis au timon; lorsque les Césars profanes, comme Néron, Domitien, Trajan, Antonin, massacraient les Évêques romains plutôt, et lors même que Damase, Sirice, Anastase, Innocent y tenaient le gouvernail apostolique : même au témoignage de Calvin, car il confesse librement qu'en ce temps-là ils ne s'étaient encore point égarés de la doctrine évangélique. Or sus donc, quand fut-ce que Rome perdit cette foi tant célébrée ? Quand cessa-t-elle d'être ce qu'elle était ? En quelle saison, sous quel évêque, par quel moyen, par quelle force, par quel progrès, la religion étrangère s'empara-t-elle de la cité et de tout le monde ? Quelles voix, quels troubles, quelles lamentations engendra-t-elle ? Hé ! chacun dormait-il par tout le monde pendant que Rome, Rome, dis-je, forgeait de nouveaux Sacrements, nouveaux Sacrifices, nouvelles doctrines ? Ne se trouve-t-il pas un seul historien, ni grec ni latin, ni voisin ni étranger, qui avait mis ou laissé quelques marques en ses commentaires et mémoires d'une chose si grande ? Et certes, ce serait grand cas si les historiens, qui ont été si curieux de remarquer jusqu'aux moindres mutations des villes et peuples, eussent oublié la plus notable de toutes celles qui se puissent faire, qui est de la religion, en la ville et province la plus signalée du monde, qui est Rome et l'Italie. Je vous prie, Messieurs, si vous savez quand Notre Église commença l'erreur prétendue, dites-le nous franchement, car c'est chose certaine que, comme dit saint Jérôme (Adv. Lucif., 28), Haereses ad originem revocasse, refutasse est. Remontons le cours des histoires jusqu'au pied de la Croix, regardons au deçà et au delà, nous ne verrons jamais, en pas une saison, que cette Église catholique ait changé de face, c'est toujours elle-même en doctrine et en Sacrements. Nous n'avons pas besoin contre vous, en ce point, d'autres témoins que des yeux de nos pères et aïeux, pour dire quand votre Église commença. L'an 1517, Luther commença sa tragédie, Zwingli et Calvin furent les deux principaux personnages. Voulez-vous que je note par le menu comment, par quels succès et actions, par quelles forces et violences, cette réforme s'empara de Berne, Genève, Lausanne et autres villes ? Quels troubles et lamentations elle a engendrés ? Vous ne prendriez pas plaisir à ce récit, nous le voyons, nous le sentons : en un mot, votre église n'a pas 80 ans, son auteur est Calvin, ses effets, le malheur de notre âge. Que si vous la voulez faire plus ancienne, dites où elle était avant ce temps-là : ne dites pas qu'elle était mais invisible, car, si on ne la voyait point qui peut savoir qu'elle ait été ? Puis Luther vous contredit qui confesse qu'au commencement il était tout seul. Or, si Tertullien, déjà de son temps, atteste que les catholiques déboutaient les hérétiques par leur postériorité et nouveauté, quand l'Église même n'était qu'en son adolescence : Solemus, haeriticos, compendi gratia, de posterioritate praescribere (Adv. Hermog., c. 1), combien plus d'occasions avons-nous maintenant ? Que si l'une de nos deux églises doit être la vraie, ce titre demeurera à la Nôtre qui est très ancienne, et à votre nouveauté, l'infâme nom d'hérésie. N'est-ce pas jusqu'à la consommation des siècles (Matthieu, 28, 20) ? Si ce conseil, dit Gamaliel, ou cette œuvre est des hommes elle se dissipera, mais si elle est de Dieu vous ne sauriez la dissoudre (Actes, 5, 38-39) : l'Église est l'œuvre de Dieu. Qui donc la dissipera ? Laissez-là ces aveugles, car toute plante que le Père céleste n'a pas plantée sera arrachée (Matthieu, 15, 13-14), mais l'Église a été plantée par Dieu et ne peut être arrachée. Saint Paul dit que tous doivent être vivifiés, chacun à son tour; les prémices ce sera Christ, puis ceux qui sont du Christ, puis la fin (1 Corinthiens, 15, 23-24) : il n'y a point d'entre deux entre ceux qui sont de Christ et la fin, d'autant que l'Église doit durer jusqu'à la fin. Il fallait que Notre Seigneur régnât au milieu de ses ennemis jusqu'à ce qu'il eut mis sous ses pieds et assujettit tous ses adversaires (Psaumes, 109, 1-2 ; 1 Corinthiens, 15, 25), et quand les assujettira-t-il tous sinon au jour du jugement ? Mais cependant il faut qu'il règne parmi ses ennemis sinon ici-bas ? Et ou règne-t-il sinon en son Église ? Si cette épouse fut morte après qu' elle eut reçu la vie du côté de son Epoux endormi sur la Croix, si elle fut morte, dis-je, qui l'eut ressuscitée ? La résurrection d'un mort n'est pas un moindre miracle que la création : en la création Dieu dit, et il fut fait (Psaumes, 148, 5), il inspira l'âme vivante (Genèse, 2, 7), et aussitôt qu'il l'eut inspirée l'homme commença à respirer; mais Dieu voulant reformer l'homme il employa trente-trois ans, sua le sang et l'eau, et mourut sur l'œuvre. Qui donc dit que l'Église était morte et perdue, il accuse la Providence du Sauveur; qui s'en appelle le re-formateur ou le restaurateur, comme Bèze appelle Calvin, Luther et les autres, il s'attribue l'honneur dû à Jésus-Christ, et se fait plus qu'apôtre. Notre Seigneur avait mis le feu de sa charité au monde (Luc, 12, 49), les Apôtres avec le souffle de leurs prédications l'avaient étendu et fait courir par l'univers : on dit qu'il était éteint par l'eau de l'ignorance et de la superstition. Qui pourra le rallumer ? Le souffle n'y sert de rien; il faudrait donc peut-être rebattre de nouveau avec les clous et la lance sur Jésus-Christ, pierre vivante, pour en faire sortir un nouveau feu? Sinon que l'on veuille mettre Luther et Calvin pour pierres angulaires du bâtiment ecclésiastique. " O voix impudente ", dit saint Augustin contre les Donatistes (In Ps. 101, Sermo 2, 7), " que l'Église ne soit point parce que tu n'y es pas " . " Non, non ", dit saint Bernard (Sermo 79 in Cant.), " les torrents sont venus, les vents ont soufflé (Matthieu, 7, 25) et l'ont combattue, elle n'est point tombée, parce qu'elle était fondée sur la pierre, et la pierre était Jésus-Christ (1 Corinthiens, 10, 4). Quoi donc ? Tous nos devanciers sont-ils damnés ? Ou pour vrai, si l'Église avait péri, car hors l'Église il n'y a point de salut. O quel contre change; nos Anciens ont tant souffert pour nous conserver l'héritage de l'Evangile, et maintenant on se moque d'eux et les tient on pour fous et insensés ". " Que nous dites-vous de nouveau ? ", dit saint Augustin (De unit. Eccl.) " Faudra-t-il encore une fois semer la bonne semence, puisque dès qu'elle est semée elle croît jusqu'à la moisson (cf. Matthieu, 13, 30) ? " Que si vous dites que celle que les Apôtres avaient semée est partout perdue, nous vous répondrons, lisez-nous ceci dans les Saintes Ecritures, et vous ne le lirez jamais que vous ne rendiez faux ce qui est écrit, que la semence qui fut semée au commencement croîtrait jusqu'au temps de moissonner. La bonne semence ce sont les enfants du Royaume, la zizanie sont les mauvais, la moisson c'est la fin du monde (vers 38, 39). Ne dites donc pas que la bonne semence est abolie ou étouffée, car elle croît jusqu'à la fin du monde. L'Église donc ne fut pas abolie quand Adam et Eve péchèrent; car, ce n'était pas Église, mais plutôt le commencement de l'Eglise : outre qu'ils ne péchèrent pas en la doctrine ni au croire, mais au faire. Ni quand Aaron dressa le veau d'or; car, Aaron n'était pas encore souverain Prêtre ni chef du peuple, c'était Moïse, lequel n'idolâtra pas, ni la race de Lévi qui se joignirent à Moïse. Ni quand Elie se lamentait d'être seul (3 Rois, 19, 14); car, il ne parle que d'Israël, et Juda était la meilleure et principale partie de l'Église : et ce qu'il dit n'est qu'une façon de parler pour mieux exprimer la justice de sa plainte, car au reste il y avait encore sept mille hommes qui ne s'étaient encore point abandonnés à l'idolâtrie (vers 18). Ce sont donc certaines expressions véhémentes, accoutumées es prophéties, qui ne doivent se vérifier en général pour un grand débordement, comme quand David disait (Psaumes, 13, 4) : Non est qui faciat bonum, et saint Paul : Omnes quaerunt quae sua sunt. (Philippiens, 2, 21) Ni ce qu'il faut que la séparation et dévouement vienne (2 Thessaloniciens, 2, 3), lors que le sacrifice cessera (Daniel, 12, 11), et qu'à grand-peine le Fils de l'homme trouvera la foi sur la terre (Luc, 18, 8); car, tout ceci se vérifiera dans les trois ans et demi que l'Antichrist régnera, durant lesquels toutefois l'Église ne périra point, mais sera nourrie dans les solitudes et déserts, comme dit l'Ecriture.  

 

ARTICLE XVI : NOTRE ÉGLISE EST PERPÉTUELLE, LA PRÉTENDUE NE L'EST PAS

Je vous dirai, comme j'ai dit ci-dessus (art 14), montrez-moi une dizaine d'années, dès que Notre Seigneur est monté au ciel, en quelle année Notre Église n'ait pas été : ce qui vous garde de savoir dire quand Notre Église a commencé, c'est parce qu'elle a toujours duré. Que s'il vous plaisait vous éclaircir à la bonne foi de ceci, Sanderus, en sa Visible Monarchie, et Gilbert Genbrard, en sa Chronologie, vous fourniraient assez de lumière, et surtout le docte César Baron, en ses Annales. Que si vous ne voulez pas de premier abord abandonner les livres de vos Maîtres, et n'avez point les yeux sillés d'une trop excessive passion, si vous regardez de près les Centuries de Magdebourg, vous n'y verrez partout rien d'autre que les actions des catholiques; car, dit très bien un docte de notre âge (Bx Edm. Campion, ubi supra, art. 14, p 124), " s'ils ne les y eussent pas recueillies ils eussent laissé mille et cinq cents ans sans histoire ". Je dirai quelque chose de ceci ci-après (Art. 18, 20). Or, quant à votre église, supposons ce gros mensonge pour vérité, qu'elle ait été du temps des Apôtres, elle ne sera pourtant pas l'Église catholique : car, la Catholique doit être universelle en temps, elle doit donc toujours durer; mais dites-moi où était votre église il y a cents, deux cents, trois cents ans, et vous ne le sauriez faire, car elle n'était point; elle n'est donc pas la vraie Église. Elle était, ce me dira peut-être quelqu'un, mais inconnue : bonté de Dieu, qui ne dira le même ? Adamites, Anabaptistes, chacun entrera en ce discours; j'ai déjà montré (ch. 2, art. 1) que l'Église militante n'est pas invisible, j'ai montré qu'elle est universelle en temps, je vais montrer qu'elle ne peut être inconnue.

 

ARTICLE XVII : LA VRAIE ÉGLISE DOIT ÊTRE UNIVERSELLE EN LIEUX ET EN PERSONNES

Les Anciens disaient sagement que savoir bien la différence des temps était un bon moyen d'entendre bien les Ecritures, faute de quoi les Juifs errent, entendant du premier avènement du Messie ce qui est bien souvent dit du second, et les ministres encore plus lourdement, quand ils veulent faire l'Église telle dès saint Grégoire en ça qu'elle doit être temps de l'Antichrist. Ils tournent à ce biais ce qui est écrit en l'Apocalypse (12, 6, 14), que la femme s'enfuit en la solitude, dont ils prennent l'occasion de dire que l'Église a été cachée et secrète jusqu'à ce qu'elle se soit produite en Luther et en ses adhérents. Mais qui ne voit que ce passage ne respire autre que la fin du monde et la persécution de l'Antichrist ? Le temps y étant expressément déterminé de trois ans et demi, et en Daniel aussi (12, 7).  Or, qui voudrait par quelque glose entendre ce temps que l'Ecriture a déterminé, contredirait au Seigneur qui dit qu'il sera plutôt accourci, pour l'amour des élus (Matthieu, 24, 22). Comment donc osent-ils transporter cette Ecriture à une intelligence si contraire à ses propres circonstances ? Au contraire, l'Église est dite semblable au soleil, à la lune, à l'arc-en-ciel (Psaumes, 88 : 37), à une reine (Psaumes, 44 : 10,14), à une montagne aussi grande que le monde (Daniel, 2 : 35) : elle ne peut donc être secrète ni cachée, mais elle doit être universelle en son étendue. Je me contenterai de vous mettre en tête deux des plus grands Docteurs qui furent jamais. David avait dit : Le Seigneur est grand et trop louable, en la cité de notre Dieu, en sa sainte montagne. C'est la cité, dit saint Augustin, assise sur la montagne, qui ne peut se cacher, c'est la lampe qui ne peut être couverte sous un tonneau, connue et célèbre à tous, car il s'ensuit : Le mont Sion est fondé avec grande joie de l'univers. Et de fait, Notre Seigneur, qui disait que personne n'allume la lampe pour la couvrir d'un mur, comme eut-il mis tant de lumières qui sont en l'Église pour les couvrir et cacher plutôt en certains coins ? Voici le mont qui remplit l'univers, voici la cité qui ne peut se cacher. Les Donatistes rencontrent le mont, et quand on leur dit mont, ce n'est pas une montagne, disent-ils, et plutôt y choquent du front que d'y chercher une demeure. Isaïe, qu'on lisait hier, cria : Il y aura dans les derniers jours un mont préparé sur le sommet des montagnes, maison du Seigneur, et toutes nations s'y couleront à la file. Qu'y a-t-il de si apparent qu'une montagne ? Mais il se fait des monts inconnus, parce qu'ils sont assis en un coin de la terre. Qui d'entre vous connaît l'Olympe ? Personne, certes, ni plus ni moins que ses habitants ne savent ce qu'est notre mont Chidabbe; ces monts sont plutôt retirés en certain quartiers, mais le mont d'Isaïe n'est pas semblable, car il a rempli toute la face de la terre. La pierre taillée du mont sans œuvre manuelle, n'est-ce pas Jésus-Christ, descendu de la race des juifs sans œuvre de mariage ? Et cette pierre-là ne fracassa-t-elle pas tous les royaumes de la terre, c'est-à-dire, toutes les dominations des idoles et éons ? Ne s'accrut-elle pas jusqu'à remplir le monde ? C'est donc de ce mont dont il est dit qu'il est préparé sur la cime des monts; c'est un mont élevé sur le sommet des monts, et toutes les nations se rendront vers lui. Qui se perd et s'égare de ce mont ? Qui choque et se casse la tête en lui ? Qui ignore la cité mise sur le mont ? Mais non, ne vous émerveillez pas qu'il soit inconnu à ceux qui haïssent les frères, qui haïssent l'Église, car ils sont ténèbres et ne savent pas où ils vont, ils se sont séparés du reste de l'univers, ils sont aveugles de mal talent : c'est saint Augustin qui a parlé. Maintenant écoutez saint Jérôme, parlant à un schismatique converti : " Je me réjouis avec toi ", lui dit-il, " et je rends grâce à Jésus-Christ, mon Dieu, de ce que tu t'es réduit de bon cœur de l'ardeur de fausseté au goût de tout le monde; ne disant plus comme quelques uns : O Seigneur, sauvez-moi, car le saint a manqué, desquels la voix impie vide et avilit la gloire de la Croix, assujettit le Fils de Dieu au diable, et le regret qui a été proféré des pécheurs, il l'entend être dit de tous les hommes. Mais déjà n'advienne que Dieu soit mort pour néant, le puissant est lié et saccagé, la parole du Père est accomplie : Demande-moi, et je te donnerai les gens pour héritage, et les bornes de la terre pour ta possession. Où sont, je vous prie, ces gens trop religieux, mais plutôt trop profanes, qui font plus de synagogues que d'églises ? Comment seront détruites les cités du diable, et les idoles abattues ? Si Notre Seigneur n'a point eu d'Église, ou s'il l'a eue en la seule Sardaigne, certes il est trop appauvri. Ha ! si Satan possède une fois le monde, comment auront été les trophées de la Croix mais plutôt accueillis et contraints en un coin de tout le monde ? Et que dirait ce grand personnage s'il vivait maintenant ? N'est-ce pas bien avilir le trophée de Notre Seigneur ? Le Père céleste, pour la grande humiliation et anéantissement que son Fils subit en l'arbre de la Croix, avait rendu son nom si glorieux que tous les genoux se devaient plier en la révérence de celui-ci (Philippiens, 2 : 8-10), et parce qu'il avait livré sa vie à la mort, étant mis au rang des méchants (Isaïe, 53 : 12) et voleurs, il avait en héritage beaucoup de gens; mais ceux-ci ne prisent pas tant les passions du Crucifix, enlevant de sa portion les générations de mille années, si que à peine durant ce temps il y ait eu quelques serviteurs secrets, qui enfin ne seront qu'hypocrites et méchants ; car je m'adresse à vous, ô devanciers, qui portiez le nom de Chrétiens, et qui avez été en la vraie Église : ou vous aviez la foi, ou vous ne l'aviez pas; si vous ne l'aviez pas, ô misérables, vous êtes damnés (Marc 16 : 16), et si vous l'aviez, que n'en laissiez-vous pas des mémoires, que ne vous opposiez-vous pas à l'impiété ? Ne saviez-vous pas que Dieu a recommandé le prochain à un chacun (Ecclésiastique, 17 : 12) ? Et qu'on croit de cœur pour la justice, mais qui veut obtenir salut il faut faire la confession de foi (Romains, 10, 10 ; Luc 12, 8) ? et comme pouviez-vous dire : " J'ai cru, et partant j'ai parlé " (Psaumes, 115, 1) ? Vous êtes encore misérables, qui ayant un si beau talent l'avez caché en terre. Mais si, au contraire, ô Calvin et Luther, la vraie foi a toujours été publiée par l'antiquité, vous êtes misérables vous-mêmes qui, pour trouver quelque excuse à vos fantaisies, accusez tous les Anciens ou d'impiété s'ils ont mal cru, ou de lâcheté s'ils se sont tus.

 

ARTICLE XVIII : L'ÉGLISE CATHOLIQUE EST UNIVERSELLE EN LIEUX ET EN PERSONNES, LA PRÉTENDUE NE L'EST POINT

L'universalité de l'Église ne requiert pas que toutes les provinces ou nations reçoivent tout à coup l'Evangile, il suffit que cela se fasse l'une après l'autre; en telle sorte que néanmoins l'on voie toujours l'Église, et qu'on connaisse que c'est celle-là même qui a été par tout le monde ou la plus grande partie, afin qu'on puisse dire : Venite ascendamus ad montem Domini (Isaïe, 2 : 3). Car l'Église, au temps des Apôtres, jeta partout ses branches chargées du fruit de l'Evangile, témoin saint Paul (Colossiens, 1 : 6); autant en dit saint Irénée en son temps, qui parle de l'Église romaine ou papale à laquelle il veut que tout le reste de l'Église se réduise " pour sa plus puissante principauté " . Prosper parle de notre Église, non de la vôtre, quand il dit (Carmen de Ingratis, Pars Ia, lin 40-42) : " Par l'honneur pastoral, Rome, siège de Pierre, est chef de l'univers; ce qu'elle n'a pas par guerre ou par armes réduit à sa sujétion lui est acquis par la religion ". Car vous voyez bien qu'il parle de l'Église qui reconnaissait le Pape de Rome pour chef. Du temps de saint Grégoire il y avait partout des catholiques, mais plutôt qu'on peut voir par les épîtres qu'il écrit aux évêques presque de toutes nations. Au temps de Gratien, Valentinien et Justinien, il y avait partout des catholiques romains plutôt, comme on peut voir par leurs lois. Saint Bernard en dit autant de son temps; et vous savez bien ce qui en était au temps de Godefroy de Bouillon. Depuis, la même Église est venue à notre âge, et toujours romaine et papale, de façon qu'encore que notre Église maintenant serait beaucoup moindre qu'elle n'est, elle ne laisserait pas d'être très catholique, parce que c'est la même romaine qui a été, et qui a  possédé presque en toutes les provinces des nations et peuples innombrables. Mais elle est encore maintenant étendue sur toute la terre, en Transylvanie, Pologne, Hongrie, Bohême et par toute l'Allemagne, en France, en Italie, en Slavonie, en Candie, en Espagne, Portugal, Sicile, Malte, Corpsique, en Grèce, en Arménie, en Syrie, et tout partout : mettrai-je ici en compte les Indes orientales et occidentales ? De quoi qui voudrait voir un abrégé, il faudrait qu'il se trouvât en un Chapitre ou assemblée générale des religieux de saint François appelés Observantins : il verrait venir de tous les coins du monde, vieux et nouveau, des religieux à l'obéissance d'un simple, vil et abject; si que ceux-là seuls lui sembleraient suffire pour vérifier cette partie de la prophétie de Malachie (1 : 2) : In omni loco sacrificatur nomini meo. Au contraire, Messieurs, les prétendus ne passent point les Alpes de notre côté ni les Pyrénées du côté d'Espagne, la Grèce ne vous connaît point, les autres trois parties du monde ne savent qui vous êtes, et n'ont jamais entendu parler de chrétiens sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans chef, sans Croix, comme vous êtes; en Allemagne, vos compagnons luthériens, brensiens, anabaptistes, trinitaires, rognent votre portion, en Angleterre, les puritains plutôt, en France, les libertins : comme donc osez-vous plus vous opiniâtrer de demeurer mais plutôt à part du reste de tout le monde à guise des Lucifériens et Donatistes ? Je vous dirai, comme disait saint Augustin à l'un de vos semblables (De unit. Eccl., c. 17), daignez, je vous prie, nous instruire sur ce point, comme il se peut faire que Notre Seigneur ait perdu son Église par tout le monde, et qu'il ait commencé de n'en avoir qu'en vous seulement. Certes, vous appauvrissez trop Notre Seigneur, dit saint Jérôme (supra, art. 17 p1. 34, cf. p. 71). Que si vous dites que votre église a déjà été catholique au temps des Apôtres, montrez donc qu'elle était en ce temps-là, car toutes les sectes en diront de même; comment enterrez-vous ce petit bourgeon de religion prétendue sur cette sainte et ancienne tige ? Faites que votre église touche par une continuation perpétuelle l'Église primitive, car si elles ne se touchent pas, comment tireront-elles le suc l'une de l'autre ? ce que vous ne ferez jamais. Aussi ne serez-vous jamais si vous ne vous rangez pas sous l'obéissance de la catholique, vous ne serez jamais, dis-je, avec ceux qui chanteront : Redemisti nos in sanguine tuo, ex omni tribu, et lingua, et populo, et natione, et fecisti nos Deo nostro regnum (Apocalypse, 5 : 9-10).

 

ARTICLE XIX : LA VRAIE ÉGLISE DOIT ÊTRE FÉCONDE

Peut être direz-vous, à la fin, que ci-après votre Église étendra ses ailes, et se fera catholique par la succession du temps. Mais ce serait parler à l'aventure; car, si les Augustin, Chrysostome, Ambroise, Cyprien, Grégoire, et cette grande troupe d'excellents pasteurs, n'ont su si bien faire que l'Église n'ait donné du nez en terre bientôt après, comme disent Calvin, Luther et les autres, quelle apparence y a-t-il qu'elle se fortifie maintenant sous la charge de vos ministres, lesquels ni en sainteté ni en doctrine ne sont comparables avec ceux-là ? Si l'Église en son printemps, été et automne n'a point fructifié, comme voulez-vous qu'en son hiver l'on recueille des fruits ? Si en son adolescence elle n'a cheminé, où voulez-vous qu'elle coure maintenant en sa vieillesse ? Mais, je dis plus : votre Église non seulement n'est pas catholique, mais encore ne le peut être, n'ayant la force ni vertu de produire des enfants, mais seulement de dérober les poussins d'autrui, comme fait la perdrix; et néanmoins c'est bien l'une des propriétés de l'Église d'être féconde, c'est pour cela entre autres qu'elle est appelée colombe (Cantiques, 6 : 8); et si son Epoux, quand il veut bénir un homme, rend sa femme féconde, sicut vitis abundans in lateribus domus suae (Psaumes, 127 : 3), et fait habiter la stérile en une famille, mère joyeuse en plusieurs enfants (Psaumes, 112 : 9), ne devait-il pas avoir lui-même une Épouse qui fut féconde ? Même que selon la sainte Parole, cette déserte devait avoir plusieurs enfants (Isaïe, 54 : 1; Galates, 4 : 27), cette nouvelle Jérusalem devrait être très peuplée et avoir une grande génération : Ambulabunt gentes in lumine tuo, dit le prophète (Isaïe, 54 : 3, 4), et reges in splendore ortus tui. Leva in circuitu oculos tuos et vide; omnes isti congregati sunt, venerunt itbi; filii tui de longe venient, et filiae tuae de latere surgent (53 : 11-12) ; et : Pro eo quod laboravit anima ejus, ideo dispertiam ei plurimos. Or cette fécondité des belles nations de l'Église se fait principalement par la prédication, comme dit saint Paul (1 Corinthiens, 4 : 15) : per Evangelium ego vos genui : la prédication donc de l'Église doit être enflammée : Ignitum eloquium tuum Domine (Psaumes, 118 : 40); et qu'y a-t-il de plus actif, vif, pénétrant et prompt à convertir et bailler forme aux autres matières que le feu ?

 

ARTICLE XX : L'ÉGLISE CATHOLIQUE EST FÉCONDE

Telle fut la prédication de saint Augustin en Angleterre, de saint Boniface en Allemagne, de saint Patrice en Hibernie, de Willibrord en Frize, de Cyrille en Bohême, d'Adalbert en Pologne, d'Astric en Hongrie, de saint Vincent Ferrier, de Jean Capistran; telle la prédication des Frères fervents, Henry, Antoine, Louis, de François Xavier et mille autres, qui ont renversé l'idolâtrie par la sainte prédication, et tous étaient catholiques romains plutôt. Au contraire, vos ministres n'ont encore converti aucune province du paganisme, ni aucune contrée : diviser le christianisme, y faire des factions, mettre en pièces la robe de Notre Seigneur, ce sont les effets de leurs prédications. La Doctrine chrétienne catholique est une douce pluie qui fait germer la terre infructueuse; la leur ressemble plutôt à une grêle qui rompt et terrasse les moissons et met en friche les plus fructueuses campagnes. Prenez garde à ce  que dit saint Jude : Malheur, dit-il, à ceux qui périssent en la contradiction de Coré; Coré était schismatique : ce sont des souillures à un festin, banquetant sans crainte, se repaissant eux-mêmes, nuées sans eaux qui sont transportées çà et là aux vents; ils ont l'extérieur de l'Ecriture, mais ils n'ont pas la liqueur intérieure de l'esprit : arbres infructueux de l'automne; ils n'ont que la feuille de la lettre, et n'ont point le fruit de l'intelligence : doublement morts; morts quant à la charité par la division, et quant à la foi par l'hérésie : déracinés, qui ne peuvent plus porter fruit; flots de mer agitée, écumant ses confusions de débats, disputes et remuements; plantes errantes, qui ne peuvent servir de guide à personne, et n'ont point de fermeté de foi mais changent à tout propos. Quelle merveille donc si votre prédication est stérile ? Vous n'avez que l'écorce sans le suc, comment voulez-vous qu'elle germe ? Vous n'avez que le fourreau sans l'épée, la lettre sans l'intelligence, ce n'est pas merveille si vous ne pouvez dompter l'idolâtrie : mais plutôt saint Paul (2 Timothée), parlant de ceux qui se séparent de l'Église, il proteste sed ultra non proficient. Si donc  votre église ne se peut en aucune façon dire catholique jusqu'à présent, moins devez-vous espérer qu'elle le soit ci-après; puisque sa prédication est si flaque, et que ses prêcheurs n'ont jamais entrepris, comme dit Tertullien (De Praescr., c. 42), la charge ou commission ethnicos convertendi, mais seulement nostros evertendi. O quelle église, donc, qui n'est ni unie, ni sainte, ni catholique, et qui pis est, ne peut avoir aucune raisonnable espérance de jamais l'être.

 

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