12 avril 2010
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L’exposition proposée par la Bibliothèque nationale de France à partir du mardi 13 avril permet de mieux comprendre leur apport capital à la connaissance de la
Bible
Bibliothèque nationale de France Jusqu'au 11 juillet
LE SECRET DES MANUSCRITS DE LA MER MORTE
Bibliothèque nationale de France Jusqu'au 11 juillet
Vue depuis l'une des grottes de Qumrân (Photo : École biblique et archéologique française de Jérusalem).
Les manuscrits de Qumrân ! Ils ont fait couler beauccoup d’encre et provoqué tant de débats, depuis leur découverte en 1947. On ne peut pourtant résumer Qumrân à la belle histoire de sa découverte – un jeune bédouin à la recherche d’une chèvre tombe sur une grotte dans les falaises calcaires du Wadi Qumrân, au nord-ouest de la mer Morte (à l’époque en Jordanie).
On ne peut non plus réduire Qumrân aux querelles d’experts et aux déclarations passionnelles qu’ont provoquées les découvertes archéologiques à Khirbet Qumrân et leurs diverses interprétations, religieuses ou profanes, esséniennes ou non esséniennes. Car ce que révèlent d’abord et avant tout ces manuscrits de la mer Morte, c’est l’origine de l’Ancien Testament.
Parmi les 275 cavités fouillées à Qumrân, 11 grottes contenaient des manuscrits en hébreu et en araméen ; une vingtaine d’autres contenaient des objets contemporains du site. Certains rouleaux, enveloppés de tissu et conservés dans des jarres en terre cuite, étaient en bon état et n’ont guère présenté de difficultés d’identification. Dans d’autres cavités, au contraire, on ne trouva que des fragments de parchemins qu’il fallut d’abord classer, répertorier et photographier avant de pouvoir les publier.

«On dispose désormais de l’essentiel»

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Aujourd’hui, quelque 900 manuscrits ont été publiés en 40 volumes, et une traduction en français est disponible (1). « On dispose désormais de l’essentiel, même si quelques fragments peuvent peut-être encore se trouver dans des collections privées », estime Katell Berthelot, brillante spécialiste du judaïsme antique qui codirige la publication bilingue de la bibliothèque de Qumrân. Parmi ces 900 manuscrits, on trouve trois grands types d’écrits.

Une vingtaine de rouleaux d’Isaïe a été retrouvée

« Émotionnellement, c’est extraordinaire de se dire que certains de ces textes ont pu passer entre les mains de Jésus, Pierre ou Paul », poursuit Katell Berthelot. On trouve également tous les prophètes connus aujourd’hui, avec cependant une prépondérance du grand prophète Isaïe. Une vingtaine de rouleaux d’Isaïe a été retrouvée, notamment deux rouleaux, longs de plus de sept mètres, que l’on peut admirer au Musée du Livre, à Jérusalem.
Ces rouleaux d’Isaïe ont un aspect « rafistolé » – selon l’expression de Laurent Hericher, conservateur en chef à la BNF –, avec des ratures ou des rattrapages d’oublis dans les marges.

Psaumes, Isaïe et Deutéronome : le « kit de base »

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On peut donc penser que les Psaumes, Isaïe et le Deutéronome – tel un « kit de base », selon l’expression de Michael Langlois, jeune philologue franco-américain de l’université de Strasbourg – étaient les trois livres bibliques les plus lus à Qumrân, et sans doute aussi dans toutes les synagogues de l’époque. Or ce sont ces trois livres de l’Ancien Testament qui sont le plus souvent cités dans les Évangiles et dans les Lettres de Paul.

Différents textes propres à la communauté

Autre grand type d’écrits des rives de la mer Morte : les textes parabibliques, dits « apocryphes ». On a notamment découvert le Livre d’Hénoch, une grande apocalypse juive qui n’était connue que dans des versions éthiopienne et grecque.
Enfin, derniers types d’écrits : ceux propres à la communauté de Qumrân, dits « sectaires ». Parmi ces écrits communautaires, on range divers commentaires des livres bibliques ainsi qu’un « rouleau du Temple » – dont on ne sait toujours pas à quel usage il était destiné. Mais surtout, on y classe cinq exemplaires de la Règle de la communauté (longtemps appelée Manuel de discipline) dont certains termes posent bien des questions.

«Aujourd’hui, on réévalue à la baisse le nombre de textes communautaires»

Le terme de « fils de Sadoq » a également interrogé : il apparaissait déjà dans le Document de Damas (découvert au Caire au début du XXe siècle) qui fait allusion à des juifs qui, ne supportant plus la corruption sacerdotale (à l’époque, seul un descendant de Sadoq pouvait être grand prêtre à Jérusalem), partent au désert en direction de Damas.
« Aujourd’hui, on réévalue à la baisse le nombre des textes initialement considérés comme communautaires », conclut Katell Berthelot en souhaitant que les chercheurs, qui disposent maintenant de l’ensemble des manuscrits, « réexaminent les théories à la lumière de l’ensemble ».
Actuellement des recherches portent sur le système calendaire, ainsi que sur les textes liturgiques et de sagesse. Car comme le dit Michael Langlois, autre représentant de cette nouvelle génération de qumrânologues francophones, « ce qui paraissait clair hier ne l’est plus du tout aujourd’hui ».
Claire LESEGRETAIN
(1) La Bibliothèque de Qumrân, volume 1 : Torah-Genèse , sous la direction de Katell Berthelot, Thierry Legrand et André Paul, avec le texte original (hébreu ou araméen) et la traduction française (Cerf, 2007, 590 p., 89 €). Le volume 2 (Exode-Lévitique-Nombres) est attendu pour octobre 2010.